Au repairier en la douche contree
Au repairier en la douche contree Ou je men cuer laissai au departir Est ma douche dolours renouvelee Qui ne mi laist de chanter plus tenir. Puis que d’un seul souvenir Jolis estre aillours soloie, Pour coi chi ne le seroie Ou je sai et voi cheli Qui me tient joli ?On dist que point n’ai maniere muee Pour le revel qui me plaist a sievir ; Selonc sen mal et selonc se pensee Se doit amans deduire et maintenir. Comment porroit cuers sentir Si douch mal sans estre en joie ? Car dou pis c’Amours envoie, Ch’est c’on desire merchi, Et il m’est ensi.Mais tant me plaist cheste painne et agree Que je le prench a savour de goïr ; On prent en gré le cose presentee Selon le lieu dont on le voit venir : Si doi en gré recueillir Mon mal, car miex m’i emploie Que se d’autre amés estoie, N’onques mais nus ne senti Mal si congoï.Dame gentiex, de tout le mont amee Pour vo bonté qui ne puet amenrir, Douche, amoureuse ymage desirree, Daigniés me en vo serviche retenir ! Je ne quier autre merir Ne penser ne l’oseroie, Qu’encor m’est avis que soie Trop peu sousfissans d’estre y, S’Amours n’est pour miEn vo gent cors ou Franquise est moustree En vos vairs ex rians a l’entrouvrir, Seant en une face colouree Dont je ne puis iex et cuer espanir, Ains vous voi de tel desir Et si m ‘entente i emploie C’avis m’est que je ne voie Adont chiel ne terre, si Me sench je ravi.Cançon, je t’envoieroie U ma dame est, se j’osoie ; Mais le cuer n’ai si hardi : Amours ! Donnés li ! |
A retourner à la douce contrée Où, en partant, laissai mon coeur, Ma douce douleur est recommencée, Qui m’empêche de me retenir de chanter. Puisque par un seul souvenir Je vivais ailleurs plein d’entrain, Pourquoi ne le serai-je ici Où je la sais et la vois, celle Qui me rend ardent ?On dit que ma manière est inchangée Pour la fête qu’il m’est agréable de faire ; Selon son mal et selon sa pensée, L’amant doit se distraire et se comporter. Un coeur pourrait-il ressentir Un si doux mal sans être en joie ? Car au pis, ce qu’Amour envoie, C’est le désir de la pitié : C’est ainsi pour moi.Cette peine me plait et m’agrée tant Qu’elle prend pour moi la saveur du plaisir ; On prend en gré la chose présentée Selon l’endroit d’où on la voit venir : Je dois en gré recevoir Mon mal : j’y suis mieux engagé Que si j’étais aimé d’une autre, Et jamais nul ne ressentit Un mal si bien accueilli.Dame noble aimée de tout le monde Pour votre valeur qui ne peut faiblir Douce idole attirante et désirée, Daignez me retenir à votre service ! Je ne cherche pas d’autres récompense Et je n’oserai y penser : Car il me semble même que je suis Fort peu digne d’y figurer, Si Amour n’est pas pour moi,En votre corps gracieux où Noblesse paraît En vos yeux vifs et riants, quand ils s’entrouvrent, Régnant sur un visage coloré Dont je ne peux priver mon coeur et mes yeux ; Au contraire , je vous vois avec un tel désir Et j’y mets tant mon attention Qu’il me semble plutôt ne voir Alors ni ciel ni terre, tant Je me sens ravi.Chanson, c’est moi qui t’enverrais Où est ma dame , si je l’osais. Mais je n’ai pas le coeur si hardi : Amour ! Donnez-la lui ! |
Fabliau de Adam de la Halle (1240 ou 1250 – 1288 – ou après 1306 ?)
(le Boçu d’Arras, Adam le Bossu, le Bossu d’Arras, Adam d’Arras)
Membre de la Confrérie des jongleurs et des bourgeois d’Arras.

Adam le Bossu (c’est le nom de son père, un bourgeois aisé dont il hérite aussi du surnom, de la Halle) naît à Arras entre 1240 et 1250, se marie vers 1270, et se fait d’abord connaître comme poète. Deux riches bourgeois d’Arras, les frères Lenormant, subvinrent à son éducation. En 1272, il dut quitter Arras et s’exiler à Douai, ce qu’il raconte dans un de ses poèmes, Le Congé. Vers 1276, il part (peut-être) étudier à Paris et reçoit le titre de maître ès Arts. Vers 1280, il entre au service de Robert II d’Artois, puis de Charles Ier d’Anjou, roi de Naples. C’est ainsi à Naples (v. 1283-1284) qu’est représenté son Jeu de Robin et Marion, développement dramatique du genre de la pastourelle. La date de sa mort est controversée: en 1288 en Italie ou après son retour à Arras en 1306.
Adam de la Halle est un poète et un musicien remarquable. Il a composé de nombreuses pièces courtes et surtout une importante oeuvre théâtrale, qui marque l’éclosion des premiers textes du théâtre profane français.
Le Jeu de la feuillée (v. 1276), notamment, est une oeuvre très originale, qui met en scène Adam, le poète, vêtu en clerc, sa famille, ses voisins, et trois fées. Adam veut prendre congé pour aller faire ses études à Paris, mais se laisse entraîner à la taverne. Adam de la Halle mêle dans cette pièce le motif merveilleux du repas de fées, invitées sous la feuillée par les chrétiens, et le thème du congé, qui est traité sur un ton grinçant, dans un style vif et familier. Ce jeu riche et polysémique (la feuillée est à la fois la loge de verdure de la statue de la Vierge au marché d’Arras, et la “folie”, très présente) est un théâtre vivant, mêlant satire et merveilleux, burlesque et quotidien.
- Le dit du buffet
- Estula
- En tous sens que vente bise
- Des sohaiz que Sainz Martins dona Anvieus et Coveitos
- Du vilain asnier
- De l’escuiruel
- De Haimet e de Barat e Travers
- La housse partie
- Le larron
- Li congiés Adan
- Du boucher d’Abbeville
- Li tens nouveaus et la douçours
- Le vilain de Farbus
- Brifaut
- La dame qui fit entendre à son mari qu’il rêvait